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Revitalisation des commerces et mobilité : quel rapport ?

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A l’initiative du Conseil citoyen Centre Ancien, Olivier Razemon a présenté à Perpignan le 25 novembre 2016 son dernier livre "Comment la France a tué ses villes" (éditions Rue de l‘échiquier). Pourquoi Olivier Razemon, journaliste indépendant et avant tout spécialiste de la mobilité (son blog « l’interconnexion n’est plus assurée » (transport.blog.lemonde.fr), est une référence sur le sujet) écrit-il un livre sur la dévitalisation des villes moyennes ? Pourquoi de nombreux membres actifs de Vélo en Têt sont allés l’écouter et pourquoi en parlons-nous ici ?

Car urbanisme et mobilité sont intimement liés, et qu’en analysant l’évolution de la ville, on comprend mieux comment on en est arrivé à cette situation. En effet, les villes moyennes se sont progressivement dé-densifiées et étalées, les habitants se logeant de plus en plus en périphérie et les commerces migrant vers des centres commerciaux. Pour relier travail, domicile et commerces, on étend le réseau routier, qui raccourcit dans un premier temps les distances (en termes de temps de parcours) et rend tout cela possible. Pendant ce temps, le centre-ville ou le quartier urbain ‘ancien’ se désertifie, ou devient le repère de marchands de sommeil. Cessant d’être habité, il se meurt car ce sont les relations qui font urbanité.

Les perdants dans tout cela : les terres agricoles bétonnées, l’air vicié, bien sûr, mais les habitants également, en premier lieu ceux qui ne suivent pas la machine infernale. 26% des foyers n’ont pas de voiture à Perpignan, soit plus que la moyenne nationale (20%). Dans le même temps, le taux de vacance commerciale en centre-ville flirte avec les 20%, soit l’un des taux les plus élevés parmi les villes de taille moyenne en France. Comment fait-on pour faire ses courses quand il n’y a plus aucun commerce de proximité, qu’on vit dans au centre ou dans un quartier enclavé et que la qualité du service de transports en commun est très loin du compte ?

Pas nouveau nous direz-vous … Le constat que dresse Olivier Razemon est que le mal empire, sans que cela ne fasse réagir “les responsables” pour enrayer la calamité. Aucune limite à cette course folle ! Pire, les arguments mis en avant par ces derniers sont fallacieux ! On les entend souvent prétendre que la construction de commerces périphériques crée des emplois alors que des études prouvent le contraire (1 emploi créé en périphérie détruit en moyenne 3 emplois en centre-ville). Pire encore, les premières zones commerciales et pavillonnaires se nécrosent car elles ne correspondent plus à la demande. Ainsi, même si le taux de vacance commerciale des commerces périphériques Perpignanais dépasse désormais les 10%, de nouveaux projets abondent pour construire de nouvelles surfaces plus modernes, plus spacieuses et forcément plus loin pendant que la première génération se transforme peu à peu en glauques friches commerciales.

Les gagnants sont clairement désignés par Olivier Razemon : les investisseurs du business ne peuvent continuer à faire leur beurre qu’en faisant tourner la roue de la nouveauté au mépris de tout retour d’expérience, en consommant milliers de m2 sur milliers de m2 de terres, au grand bonheur des propriétaires terriens, qui ne manquent pas sur notre belle plaine du Roussillon.

Refusant d’accepter leurs échecs, les « responsables » déballent un argumentaire biaisé et douteux. Ils accusent trop souvent le commerce en ligne, alors que celui-ci ne générait que 7 à 9% des ventes de détail fin 2015.Des associations de commerçants et des partis politiques demandent quant à eux davantage de places de parking, remettant en avant un slogan désuet issu de l’Amérique des années 50 : « no parking, no business ». L’expérience menée dernièrement à Béthune, visant à transformer des places piétonnes du centre-ville en parkings est pourtant un cuisant échec ! D’ailleurs, les résultats d’une étude menée dernièrement par la métropole de Rouen sont sans appel. À la question : « comment rendre le centre-ville plus attractif ? », les commerçants ont répondu en majorité qu’il fallait plus de places de parking tandis que les consommateurs demandaient au contraire moins de voitures, moins de bruit, moins de pollution et plus d’espace pour se promener !

Vous vous demandez maintenant mais comment nous pouvons sauver la ville ? De nombreux retours d’expérience encourageants existent et nous pourrions nous en inspirer. Dans un premier temps, il faut casser la machine à bétonner. Les communes qui mettent en place un moratoire sur la construction de nouvelles surfaces commerciales périphériques sont de plus en plus nombreuses. On peut citer par exemple Saint Omer ou Thionville. Une prise de conscience des consommateurs doit être opérée par des campagnes de communication de la collectivité. Il faut encourager les citoyens à consommer responsable et si possible dans leur quartier. On peut également s’inspirer des Canadiens qui réaniment leurs centres-villes en créant des structures qui associent commerçants, citoyens et élus au seins de « Sociétés de Développement Commercial ». Cette solution a permis de mettre fin aux guerres fratricides improductives qui déchiraient les multiples associations de commerçants. Cognac s’en inspire actuellement. Enfin, il faut un espace public de qualité. Des espaces agréables à vivre à pied et où il est aisé de se déplacer à vélo. De nombreuses villes mettent en place des « codes de la ville apaisée » et « codes de la rue » (ex : Lille). Perpignan pourrait s’en inspirer.

Comme vous l’aurez constaté, la redynamisation d’un quartier repose donc sur la place accordée aux piétons et aux vélos. Et cela ne se résume pas uniquement à l’hypercentre mais à l’ensemble des quartiers de la ville. Les carrefours, les rues, les trottoirs, les boulevards, les allées… tout doit être pensé pour y amener les piétons et les vélos, rendre la ville agréable et donner envie d'y vivre : le diable est dans les détails, c'est aussi ce que nous apprend la lecture du livre d'Olivier Razemon .

Ne baissons pas les bras, ré-occupons la ville ! Se déplacer à vélo est un bon moyen.