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La fluidification

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Ce texte a été déposé sur le registre d'enquête publique du projet d'aménagement de la RD22b et de la RD81b. Sa portée est bien sûr plus générale puisque cet argument de la fluidité du trafic et partout utilisé.

«Fluidifiez, fluidifiez, c’est la Loi et les prophètes…»

Cela semble être le nouvel évangile de nos décideurs. Le terme fluidification (sous entendu du trafic automobile) revient de façon rhapsodique dans ce genre de document [enquête publique]. La nécessité de « fluidifier » le trafic tient lieu d’ultima ratio, d’argument indiscutable, autrement dit qui n’a pas besoin d’être démontré ; argument tout à fait propre à faire taire les écologistes grincheux qui sont, par principe, opposés au progrès.

1- Le concept de « fluidification » reste ambigu.

S’il signifie régularité et continuité de la circulation, on peut imaginer un écoulement « fluide » du trafic automobile à une vitesse réduite (30 km /h par ex) qui réduirait les nuisances sonores et la pollution par la même occasion…

Mais de toute évidence, ce n’est pas dans cet esprit que le présent aménagement a été pensé ; il est destiné à accueillir un trafic « traversant » de véhicules rapides.

Ce flux de véhicules pourrapendant quelques instants accélérer sa vitesse avant de se retrouver bloqué dans les embouteillages qui ne manqueront pas de se produire quand ce trafic traversant rejoindra un axe inter-urbain déjà saturé. Le paradoxe de la vitesse que les aménageurs ne sont jamais arrivés à résoudre, -malgré les quatre voies et autres échangeurs- ,apparaîtra clairement : le gain de temps à la marge restera très faible et ne saurait justifier un équipement aussi coûteux.

Nous avons déjà payé pour savoir cela avec la quatre voies Perpignan-Canet dont on nous avait dit qu’elle résoudrait (en le fluidifiant) le trafic auto entre ces deux villes. Un ingénieur « Ponts », polytechnicien, nous avait même juré à l’époquequ’il n’y aurait jamais de bouchons aux entrées de Canet ou de Perpignan…

Pour conclure :la « fluidité » est une illusion qui fait encore partie de la mythologie de nos aménageurs et qui n’est destinée qu’à produire de la satisfaction instantanée pour l’automobiliste-électeur, sans que soient résolus sur le fond les problèmes de déplacement.

2- La « fluidité » doit être comprise comme une augmentation transitoire de la vitesse avant le ralentissement inévitable, ce qui signifie en clair une augmentation de la consommation d’énergie et de l’empreinte écologique, ceci allant à l’encontre des objectifs publics déclarés.

Tous les travaux récents le montrent, les nouvelles voies de circulation automobile ne résolvent pas les problèmes de circulation. Elles ne font pas significativement baisser la pression automobile sur la voirie existante mais créent un « appel d’air » qui augmente globalement la circulation sur le réseau.Ce type d’équipement est non seulement obsolète du point de vue des solutions à la question du déplacement,mais il représente en infrastructure et en fonctionnement un coût environnemental exorbitant.

Pour l’aménageur de base, ce type d’équipement est un succès lorsqu’il reçoit un plus grand nombre de véhicules, en d’autres termes quand il fonctionne à coût écologique croissant.

L’empreinte écologique augmente en raison directe du linéaire de voirie, puisque cet équipement n’est que de l’énergie accumulée et stérilisée, du nombre de véhicules empruntant la voie et du nombre d’hectares de bonnes terres agricoles ôtées aux générations futures dont la production « projetée »est, par définition,difficile à évaluer.

En foi de quoi, nous demandons un bilan carbone sur cette opération avec projections sur la base du trafic anticipé par les promoteurs eux-mêmes, compte tenu des potentialités agricoles des terres situées sur l’emprise routière.

Nous demandons, -compte tenu que ce type de voirie est appelée a devenir à terme un boulevard urbain bordé de zones commerciales et/oude zones pavillonnaires-, que soit précisées les limites du « tunnel de bruit » et que soient indemnisés en conséquence les propriétaires et locataires des habitations incluses dans ce périmètre.

3- La réponse envisagée aux problèmes de déplacement nous semble ringarde et datée de l’ère Pompidou. Au regard des enjeux économiques et écologiques présents et à venir, la réponse « routière » nous apparaît dépassée. D’autres solutions existent qui proposent des moyens efficaces et environnementalement corrects aux déplacements inter-urbains et urbains.

Les véhicules ferroviaires légers ( trams ou train-trams) sont des solutions qui pourraient être mises en œuvre dans la con-urbation roussillonnaise.

Il existe des modèles en France et à l’étranger (cf. les trams ruraux de Souabe en Allemagne qui assurent les déplacements quotidiens des ouvriersd’industrie habitants en zone rurale). De plus, nous avons dans les PO un réseau de voies ferrées « latent », c’est-à-dire de voies abandonnées ou non utilisées, qui pourrait être réactivé si les investissements transports n’allaient pas systématiquement à la voiture. Un réseau train-trams permettrait de raccourcir les trajets voitures ou de leur substituer des modes de déplacements « doux ».

4- L’investissement routier -si toutefois on peut encore parler d’investissement pour une voie ayant pour vocation d’amener les fêtards de l’arrière pays un peu plus vite vers la « colline des loisirs »- est immédiatement générateur d’effets de croissance pour l’économie locale, ce qui peut se justifier en période de crise. Mais comme on le sait, les activités de génie civil sont fortement capitalistiques et donc faiblement créatrices d’emplois (peu d’emplois locaux et durables).

Les ressources issues de l’épargne forcée fiscale seraient mieux utilisées si elles étaient orientées vers des secteurs à plus grande intensité en emplois.

Ces secteurs existent dans les PO ; ils ont l’inconvénient de n’être pas populaires, ils ne représentent pas du signifiant politique suffisamment visible c’est à dire clinquant.

Pour résumer, l’investissement routier est politiquement « malin », mais il n’en demeure pas moins une absurdité économique (à notre époque), une forme anachronique de gaspillage de ressources qui a des effets dévastateurs sur notre environnement. Ce réseau routier proliférant dont se glorifientnos décideurs locaux détruit progressivement les paysages du Roussillon.

La crise sévit dans les imaginations au Conseil Général et à l’Agglomération (rocade Ouest), elle se traduit par la répétition à l’identique de ce qui fut dans le passé qualifié de politique de développement et qui n’est, aujourd’hui, qu’une manifestation de la sénilité qui frappe le monde politique.

5- Dans un contexte de tension sur les finances publiques –au niveau national comme au niveau des collectivités décentralisées-, le financement des investissements publics se fait sous contraintes (et quand on parle de contrainte on ne pense qu’au problème de l’endettement et de ce qui va avec…) On ne pense généralement pas à la part réellement active de l’investissement public, autrement dit à l’investissement net des amortissements (au sens économique). La part occupée par l’investissement de remplacement ou de maintenance du patrimoine collectif représente la quasi totalité de l’investissement brut.

Il est déraisonnable d’orienter la faible marge de manœuvre dont nous disposons vers « l’investissement routier » qui n’est pas la meilleure façon d’envisager l’avenir.

Ce sur-investissement dans les infra-structures routières appelle à terme, des charges d’entretien que ne pourront plus assumer les actuelles collectivités ou celles qui naîtront de la réforme territoriale.