Cette petite route rejoignait le «Cami dels Horts» (le chemin des jardins) qui traverse les cultures maraîchères entre Perpignan et Saint-Estève. Miraculeusement, cette petite route n’avait pas été coupée par la construction de l’autoroute… enfin presque. Un passage sous l’autoroute subsistait en effet, en forme de demi tube, mais tellement bas qu’il obligeait à baisser la tête à vélo ! Ceux qui avaient participé à la randonnée musicale avec Jazzebre se souviennent de ce passage.
Jazz & Vélo en octobre 2008
Itinéraire assez calme, court et efficace pour parcourir à vélo les 5 km. qui séparent St-Estève de Perpignan, il est gravement menacé. Il est même d’ores et déjà impraticable.
Coté Perpignan : barrière et inondation
Lorsque le chantier de la rocade Ouest a été définitivement décidé, et qu’il est passé sous la maîtrise du Conseil Général, Vélo En Têt, avec des adhérents de St-Estève a contacté la Communauté d’Agglomération (M. L. Fara), puis a demandé à rencontrer la direction des routes du CG (M. J. Martin), pour réclamer que le chantier ne coupe pas cet itinéraire précieux pour les usagers du vélos.
A cet endroit la rocade occupera plus que la largeur des voies de circulation pour voitures. En effet, la construction du Pont sur la Têt se faisant dans un second temps, dans un premier temps c’est un rond point au bord de la Têt qui permettra de rejoindre le passage à Gué. Il y aura donc à cet endroit, en plus des voies centrales, des bretelles d’accès à la rocade depuis ce Rond-point. L’ouvrage total devrait donc faire environ 60 m de large. Le service des routes du CG nous a affirmé que la continuité de notre itinéraire serait maintenu par un passage inférieur. Sur notre insistance, il ont affirmé que le passage serait également éclairé.
L’avenir nous dira ce qu’il sera effectivement resté de cet entretien…
Mais avant même la construction, l’état actuel du chantier ne laisse rien augurer de bon… Le petit passage sous l’autoroute est déjà inondé, obstrué par des plots de chantier en plastique rouge et blanc, et il se déverse là-bas des monceaux d’ordures qui rendent maintenant l’usage du passage à vélo impossible.
Coté Saint-Éstève : Des gravats, des monceaux d’ordures, des barrières… rendent l’accès impossible
Avant même sa construction, la rocade produit donc déjà ici un de ses premiers effets de coupure. Gageons qu’il ne sera hélas pas le seul.
En venant de la rue Sully, c’est à dire en arrivant à la grande poste par le pont de Perpignan, elle emprunte le quai Lattre de Tassigny en direction de la Place Arago. Elle croise donc la rue Zamenhof, qui vient de sa droite. Elle se trouve à ce moment-là sur une bande cyclable marquée au sol. La voie est à double sens, mais le sens dans lequel elle circule est réservé aux vélos ; c’est un double-sens cyclable (DSC).
L’accident :
Une grosse voiture débouche de sa droite, de la rue Zamenhof, et la renverse. Elle a été heurtée par la voiture sur le coté droit.
Le sentiment de la cycliste :
Circulant sur une bande cyclable marquée au sol par de la peinture verte et encadrée par des tirets blancs et larges, la cycliste avait le sentiment d’être sur une voie prioritaire. Elle a vu la voiture venir de droite et a été surprise que celle-ci ne lui cède pas la priorité.
L’aménagement :
En revanche il est probable que la conductrice de l’automobile n’a guère prêté attention au vélo car en venant de la rue Zamenhof, le DSC n’est signalé par aucun panneau, et s’ils ne voient pas la peinture au sol, les automobilistes, tournant la tête à droite, prêtent uniquement attention aux voitures venant du Quai Lattre de Tassigny, et aucune aux cyclistes pouvant venir de gauche. La conductrice a d’ailleurs considéré ne pas être responsable puisqu’aucun panneau ne l’enjoignait à céder la priorité aux vélos venant de sa gauche.
Le code :
Selon l’article R 415-4 II du code de la route, tout conducteur « doit céder le passage aux véhicules venant en sens inverse sur la chaussée qu’il s’apprête à quitter ainsi qu’aux cycles et cyclomoteurs circulant sur les pistes cyclables qui traversent la chaussée sur laquelle il va s’engager »
Par ailleurs, depuis la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter (n° 85-677), tendant à l‘amélioration de la situation des victimes de la circulation, affirme que « toute victime non conductrice (piéton, cycliste,) impliquée dans un accident avec un automobiliste est de prime abord considérée comme victime non responsable ». Les assureurs des deux usagers en question décideront sans doute en fonction de ces règlements les indemnisations qu’il est opportun de verser.
Quant à la responsabilité de la commune de Perpignan, qui réglemente la circulation sur la voirie, peut-elle être engagée, sur un tel accident ? D’un point de vue administratif, une insuffisance des mesures prises et ses conséquences relèvent effectivement de son domaine de compétence. Un juge peut engager la responsabilité de la ville s’il considère qu’il y a « faute, négligence ou imprudence, par exemple dans l’aménagement de la voie ».
Ce schéma (tiré de « signalisation des aménagements Cyclables du CERTU », 2004) est clair : une balise AB3a doit être installée à l’intersection pour que les conducteurs cèdent le passage au cycliste. Et le défaut de signalisation est un délit puisque suivant le Code Pénal, Article 121-3, « il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui ».
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, « en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. »
La solution :
Nous souhaitons par conséquent rappeler avec vigueur ces recommandations du CERTU, et demander, puisque les DSC sont appelés à se multiplier depuis les décrets de 2008, que tous les DSC soient aménagés en respectant ces recommandations. Et lorsque la hiérarchie et le trafic respectifs des deux voies le permet, qu’on organise la priorité de la voie aménagée en DSC sur les voies adjacentes, avec signalisation verticale et horizontale en conséquence. Il faut dans ce cas non seulement placer la balise AB3a, mais encore, contrairement au schéma, mettre au moins un logo cycliste sur la bande à l’intersection, et la traiter d’un revêtement différent, non glissant, voire la surélever.
Cependant, pour revenir à la Grande Poste, nous préférerions plutôt ici que soit considérée la zone dans son ensemble et dans sa fonction en ville. C’est une zone urbaine centrale, en bord de rivière, qui dessert un important service public, accueillant souvent des piétons nombreux. L’orientation du code de la rue, ses principes, et les premiers décrets (31 juillet 2008), prennent ici tout leur sens :
– prudence du plus fort et priorité au moins puissant, – aménagement en zone de rencontre (ZR) : aire piétonne accessible en permanence à la voiture roulant à maximum 20 km/h, piétons toujours prioritaires, – DSC généralisé.
Nous souhaitons donc bien sûr, ici comme dans tant d’autres lieux, qu’on réalise un aménagement en ZR, qui pacifie réellement la circulation, baisse les vitesses effectives de circulation, partage la chaussée entre les différents modes, avantage les modes doux et non polluants.
L’entrevue :
Vélo en Têt est disposé à rencontrer rapidement la mairie de Perpignan pour évoquer ces différents points. Avec son autorisation, et pour ancrer le débat dans le véritable usage de la voirie par nos concitoyens, nous inviterons la victime de cet accident à nous accompagner lors de cette rencontre.
Notre Conseil :
Les DSC offrent un grand avantage pour les cyclistes, pour l’efficacité de leurs itinéraires, pour le partage de l’espace entre les différents modes de déplacements, pour la réduction de la vitesse et le guidage des voitures en ville. Si les DSC sont peu nombreux aujourd’hui à Perpignan, les évolutions récentes du code de la route vont dans le sens d’une généralisation des DSC, et Vélo En Têt veillera à ce que l’aménagement de la ville suive cette évolution.
Mais les habitudes des automobilistes se modifient lentement, hélas, et nous recommandons la prudence à nos adhérents, et à tous les cyclistes de Perpignan, lorsqu’un DSC croise une rue à droite : dans bien des cas, notamment en l’absence de visibilité, il y a un danger. Obligatoirement, les automobilistes tournent à gauche, et par habitude, tournent la tête vers la droite, c’est à dire dans le sens de la circulation des voitures. Même si le cycliste s’arrête pour céder malgré tout la priorité à la voiture, il risque une collision. Le cycliste étant collé au bord de la chaussée, il est difficilement dans l’angle de vision de l’automobiliste. Il faut donc toujours s’assurer d’avoir été vu par le conducteur avant de franchir le croisement. Même quand les cyclistes ont clairement la priorité, il faut éviter d’en tirer comme un faux sentiment de sécurité : très peu d’automobilistes marquent vraiment le stop et même s’ils le marquent, ils ne voient pas forcément le cycliste…
L’avenue John Fitzgerald Kennedy à Perpignan est une artère radiale qui relie la route D914 d’Elne – Argelès – Collioure (au Sud) au centre de la ville. Du Sud vers le Nord, elle commence au Rond-Point Kennedy, est rectiligne et longue d’environ 600 m. Après un feu tricolore, elle est prolongée par l’av. Pierre Cambres qui, à 200 m. de ce feu, au carrefour de la croix rouge, rejoint les boulevards circulaires ceinturant le centre ville (ici Bd. Aristide Briand et Henri Poincaré)
L’avenue est bordée de grands immeubles abritant des entreprises de bureaux ou commerciales, et des habitations (appartements). Un véhicule la parcourant du Sud au Nord, ne rencontre que deux petites voies adjacentes à droite, et du Nord au Sud, aucune. Il n’y a aucun tourne-à-gauche, mais un terre-plein central. L’avenue ne dessert donc localement que les activités des riverains, et accueille, outre un trafic de transit de plus longue distance, un trafic qui rejoint des quartiers situés immédiatement plus au Sud ou plus vers le centre ville.
Ces quartiers sont, vers le Sud :
Saint-Gaudérique,
Shakespeare,
Moulin à vent,
Vertefeuille.
Et vers le Nord :
le centre ville,
le Vélodrome,
La lunette.
L’ancien aménagement
L’avenue était aménagée autour d’un terre-plein central planté de petit palmiers avec, dans chaque sens, 1 voie de circulation automobile, une large bande cyclable, un espace de stationnement en épis, et enfin un trottoir. L’avenue était célèbre pour ces longues bandes cyclables entre la voie de circulation des voitures et le stationnement en épi, et, dans chaque sens, en permanence encombrées de voitures garées en double file. Les cyclistes (via l’association « Vélo En Têt ») demandaient évidemment souvent qu’on fasse respecter ces bandes cyclables, sans obtenir autre chose que de la « tolérance » et de la « compréhension » pour les arrêts-minute des voitures. Les automobilistes eux-mêmes, qui pour certains se garaient sur ces bandes cyclables, ne comprenaient pas pourquoi elles n’avaient pas été placées entre le trottoir et le stationnement en épi, plutôt qu’entre la chaussée de roulement et le stationnement.
Néanmoins, ces deux larges bandes cyclables, permettaient :
une limitation des voies auto à 2×1 voies,
une limitation de la vitesse des voitures automobiles,
une visibilité des vélos et un respect des distances de dépassement,
un espace piéton libre de vélos,
un partage théorique de l’espace de voirie entre les différents modes.
Le nouvel aménagement
L’avenue a été réaménagée. Elle s’est transformée en une artère à 2×2 voies pour voitures, et les bandes cyclables ont disparu. On peut donc maintenant y rouler beaucoup plus vite en auto, et les vélos se débrouillent comme ailleurs pour survivre sur cette autoroute urbaine.
Perpignan est certainement la seule ville où, lors de ré-aménagements de voirie, des aménagements cyclables disparaissent !
Lors d’une entrevue avec la mairie, en 2007, on nous avait affirmé que le nouveau projet prévoyait une piste cyclable située entre les stationnements voiture et le trottoir. Mais rapidement, au cours de réunions publiques, auxquelles on oubliait de nous inviter, les projets présentés laissaient deviner un trottoir partagé piétons/vélos.
A la même époque, et à la suite d’autres aménagements, avec les piétons (représentés par l’association EPPO) nous publiions ensemble un communiqué de presse demandant un partage de l’espace plus équitable. Nous y dénonçions notamment les équipements cyclables aménagés sur les trottoirs comme les arceaux de stationnement vélo, mais aussi d’autres « trottoirs partagés piétons+vélos » (sur l’av. Paul Alduy, l’av. d’Espagne, l’av. Panchot, le Bd. Wilson, et bientôt l’av. Kennedy…) Nous écrivions : « C’est une grave erreur que de réduire le peu d’espace qui est dévolu aux piétons, mode de déplacement le plus vulnérable.Cela multiplie pour eux les obstacles qui sont déjà très nombreux : poteaux, panneaux, sucettes publicitaires, chevalets, poubelles, etc… Lorsqu’il n’y a pas la place de faire une piste ou une bande cyclable, les cyclistes peuvent être intégrés à la circulation en zone 30 effective ou bien en réduisant la place de la voiture en ville plutôt que celle des piétons. »
Le ré-aménagement de l’av. Kennedy a hélas fait le contraire :
on augmente l’espace alloué à la voiture,
on augmente la vitesse des voitures,
on contraint piétons et cyclistes à se partager le peu d’espace restant sur une avenue pourtant très large.
Prolongements
La disparition de ce segment d’itinéraire « cyclable » est d’autant plus dommage qu’il était prolongé par quelques autres segments qui pourraient un jour s’articuler avec lui en réseau :
à l’extrémité Sud de l’avenue, le Rond-point Kennedy est équipée avec bande verte « vélo » ;
plus au Sud, l’av. d’Argelès, en cours d’aménagement, prévoit une voie de bus mixte Bus/ Vélos ;
sur la rue Shakespeare a été peinte une bande cyclable et…
…dans son prolongement, vers le Sud, la petite route de Saleilles (al Cami del pou de les Couloubres) fait l’objet d’une de nos propositions depuis 2005 : faire ici une liaison cyclable Perpignan-Saleilles ;
les quartiers résidentiels du Moulin à vent, de Vertefeuille, et le nouveau cinéma du Mas Balande (avec un « parc relais »), ont besoin d’un accès cyclable vers le centre ville ;
Politique cyclable
Le PDU de la communauté d’agglomération Perpignan-Méditerranée (CAPM), malgré de ronflantes déclarations d’intention de favoriser les modes alternatifs à la voiture, prévoit, de façon illégale, une hausse du trafic automobile. Dans notre analyse du PDU, lors de l’enquête publique, nous avions regretté de n’y trouver aucune évocation de la baisse de la vitesse des voitures en ville. Rien non plus dans ce document sur la mixité piéton-vélo sur les trottoirs, qui ne satisfait pourtant ni les piétons, ni les cyclistes. Elle n’est qu’un pis-aller à l’absence d’aménagement cyclable, et témoigne en général d’un refus de réduire l’espace de la voiture, ou de réduire sa vitesse en créant des zones 30. Cet aménagement de l’av. Kennedy traduit donc en actes les vraies orientations de la politique de La ville de Perpignan et de la CAPM.
Promesses
Le plus malheureux dans cette histoire c’est qu’on nous promet maintenant que cette avenue sera très prochainement ré-aménagée pour y voir apparaître, à la place d’une voie voiture dans chaque sens, des voies de bus autorisées aux vélos !
Youpie… Mais alors pourquoi détruire les voies cyclables, offrir 2×2 voies aux voitures pour les reprendre quelques mois plus tard ? Lorsque nous avons si souvent réclamé un ré-équilibrage de l’occupation de l’espace urbain en faveur des modes doux, nous avons assez souvent entendu cet argument : «il est difficile de prendre aux automobilistes un espace qu’ils ont l’habitude d’occuper».
Si c’est si difficile, alors que l’on cesse au moins de leur en offrir de nouveaux !
P.S.:
Vous pouvez télécharger un diaporama (8 MO) que nous avons réalisé pour dénoncer l’absurdité de cet aménagement.