Ma vie rêvée en ville

Petite annonce à l’intention des heureux possesseurs de 4×4 rugissants et autres incongruités urbaines motorisées : vous pouvez vous mettre à trembler. Voici venir le code de la rue, une vaste refondation du code de la route, spécifiquement repensé pour un espace urbain idéal, dans lequel piétons, cyclistes et transports en commun seraient les rois du bitume (lire interview). Imaginons cette ville nouvelle, un lundi matin ordinaire…

Si je suis piéton…

… la vie est belle. Avec le code de la rue, la ville a inversé la tendance. Elle a fait de moi ­ le plus vulnérable des usagers de la voirie ­ le citoyen le mieux protégé et le plus en confiance. Avec un principe tout simple, devenu règle cardinale de la vie en ville : le plus fort est responsable du plus faible. Le camion est responsable de la voiture, la voiture du vélo, le vélo du piéton. J’aborde un espace commerçant, une école, n’importe quel endroit où la ville bouge un tant soit peu ? Je suis désormais dans une «zone de rencontre». Cela signifie que je peux utiliser toute la largeur de la voie publique, traverser là où ça me plaît et même, si ça me chante, improviser un foot. Une voiture approche ? Pas d’inquiétude : en ces lieux, elle n’a jamais la priorité, et elle ne peut pas dépasser les 30 km/h. De bonne humeur, j’interromps quand même la partie pour la laisser passer. Le tacot n’ira de toute façon pas très loin sans freiner, car, désormais, ce sont les trottoirs qui coupent la chaussée, et pas le contraire. Mais seulement dans les rues secondaires les plus calmes, hein. On n’est pas des monstres antivoitures.

Si je prends le bus…

… j’ai presque oublié la notion même d’«embouteillage». Grâce aux voies de bus généralisées mais grâce aussi aux modifications apportées sur le bitume. Exemple : le coussin sur-élévateur de la chaussée, placé dans les zones de trafic important et petit cousin du dos d’âne. Malin, celui-ci est assez large pour que les voitures soient obligées de rouler dessus, mais assez étroit pour que les roues du bus passent de part et d’autre. Serein, je pique un petit somme : je sais que j’arriverai à l’heure.

Si je suis cycliste…

… un monde de possibles s’ouvre à moi. Voilà qui change un peu des espaces urbains d’avant, où j’étais pénalisé à chaque coup de pédale. Un sens interdit ? Je m’y engouffre quand même. J’en ai le droit, depuis la généralisation des sens uniques limités. Les indications pour voiture ne sont pas forcément valables pour moi. Résultat : je n’ai pas à faire de détours, je me déplace mieux, de façon plus fluide… et je ne suis pas obligé d’emprunter des voies dont le trafic routier est trop important. Un rond-point ? Pas de stress : les voitures doivent se rapprocher le plus possible de l’anneau central. Moi, je roule à droite. Comme ça, les quatre-roues m’ont toutes dans leur champ de vision, et risquent moins de me percuter. Et puis, en cas de collision, la limitation de vitesse me sauve : à 30 km/h, l’accident laisse une chance de survie. En outre, délimitées par une simple ligne de peinture au sol, les pistes cyclables se sont multipliées. Quand c’est indiqué, je peux aussi rouler dans la voie de bus. Avec tout ça, pas moyen d’arriver en retard à mon cours de gym Pilates (nous sommes dans un rêve de bo-bo, après tout.)

Si je suis motard…

… je peux utiliser toute la largeur de la chaussée ­ plus comme avant, quand j’étais confiné à droite. Cependant, je continue de râler. Car les groupes de motards qui avalaient du kilomètre les uns derrière les autres en dessinant une belle file indienne, c’est terminé. En groupe, je suis désormais obligé de rouler… en quinconce (le premier roule à droite, le suivant, à gauche, le troisième, à droite, et ainsi de suite). Ce n’est pas aussi esthétique mais, au moins, je ne tombe pas comme un domino en cas de chute du casqué qui roule devant moi.

Si je suis automobiliste…

… je suis un peu maso, il faut bien le dire. Je dois faire très attention à tout, et tout le temps. Quand je peux rouler, je dépasse rarement les 20 km/h. Et pour se garer… Trouver une place de stationnement qui laisse au moins un mètre cinquante de largeur de trottoir, à plus de cinq mètres des extrémités d’une piste cyclable, c’est quasiment mission impossible. J’en ai marre. Autour de moi, les visages sont reposés, les oiseaux chantent, le dioxyde de carbone est presque un souvenir. La prochaine fois, je prendrai le bus.

P.S.: 

Un article de par Gilles WALLON.

Cet article a été copié sur le site de Libération : voir l’original sur http://www.liberation.fr/page.php?Article=376404.

Quelques définitions

La Véloroute

Les Véloroutes sont des itinéraires pour cyclistes à moyenne et longue distance, reliant les régions entre elles, et traversant les agglomérations dans de bonnes conditions.

Elles peuvent emprunter des petites routes à faible trafic (moins de 1000 véhicule/jour) et à faible vitesse (moins de 70km/h)

La Voie Verte

Les Voies Vertes sont des aménagements en site propre (exclusion de toute circulation motorisée), réalisés sur des chemins de halage, des berges de rivières, des voies ferrées désaffectées, des routes forestières, des promenades littorales, des parcs urbains,…

Elles sont utilisées par différents types d’usagers : piétons, cyclistes, rollers, joggers, personnes à mobilité réduite,…

Elles doivent s’intégrer au tissu socio-économique local, desservir les principaux pôles d’activité : équipements publics, commerciaux, gares ferroviaires et routières,…

La bande cyclable

La bande cyclable est selon le code de la route, un espace de part et d’autre d’une chaussée, réservé uniquement aux deux-roues non motorisés, matérialisé par un marquage au sol continu d’avec l’espace réservé aux véhicules à moteur mais sans autre séparation physique (de type bordure de trottoir… qui la transformerait en piste cyclable).

La piste cyclable

Une piste cyclable désigne une chaussée exclusivement réservée aux vélos dont les voies sont séparées de la circulation automobile. Ces pistes se situent souvent le long d’axes routiers importants ou en ville, et permettent de sécuriser les déplacements à vélo pour les cyclistes les moins aguerris.

La bande multifonctionnelle

Les bandes multifonctionnelles, « accotements dérasés revêtus » ne sont pas à proprement parler des aménagements cyclables puisque la circulation y est interdite !

Favoriser la bicyclette

Parmi les membres de notre association, il y a de nombreux cyclistes quotidiens qui se rendent à leur travail, au lycée, faire leurs courses à bicyclette. Il craignent les voitures, sont mélangés avec elles sur des avenues rapides, sont incités à rouler sur les trottoirs, etc…

Bref, ils circulent dans de mauvaises conditions, et ne trouvent pas d’endroits sûrs pour laisser leur vélo. Malgré tout cela ils circulent à vélo. Il leur faut des équipements cyclables.

Report Modal

Mais il y a surtout, en beaucoup plus grand nombre, tous les automobilistes qui ne veulent pas (ou plus) prendre le vélo. Ils ont peur des voitures pour la plupart, et craignent l’accident qui est toujours beaucoup plus grave pour le cycliste que pour l’automobiliste. Ce sont eux les principaux destinataires d’une politique urbaine en faveur du vélo. Ce sont eux qui, en changeant leur habitude, en abandonnant l’auto pour la bicyclette feraient baisser le trafic automobile. Cette décision de recours à des alternatives à l’automobile, en rupture avec les comportements dominants de consommation, est souvent vécue comme une pratique originale, marginale, ou un peu folle. Il faut donc une véritable incitation, de vrais équipements cyclables, des pistes sûres, continues et propres. Il faut une politique cyclable engagée, visible, convaincante, qui attire de nouveaux cyclistes en convertissant des automobilistes. Il ne suffira pas de faire plaisir aux cyclistes qui râlent, il faut aussi et surtout amener les automobilistes à changer leurs habitudes.

Rendre agréables et attractifs les itinéraires cyclables.

Une bande cyclable c’est le minimum qu’on puisse faire, et c’est loin d’être idéal :

  • Quand les voitures se garent dessus, il est dangereux de se déporter à gauche, sur une voie que les autos considèrent comme leur domaine réservé.
  • Elles sont souvent sales du fait de la proximité du réseau auto (graviers, bris de verre,…)
  • Pour tourner à gauche, on doit affronter des fauves automobiles qui, du regard, annoncent : « reste sur ta bande cyclable, toi… »
  • Et enfin, alors qu’on utilise un mode de transport silencieux, non polluant, et doux, on subit l’agression des moteurs, leur gaz d’échappement, et on se sent menacé par ces masses de métal lancées à grande vitesse.

A Perpignan, le réseau cyclable est presque exclusivement constitué de bandes cyclables, sales et discontinues. Ça ne suffit pas à convaincre des automobilistes à essayer le vélo. Si il est difficile de trouver de l’espace pour mettre les voies cyclables en site propre (séparé des autos), il faut au moins prendre celui qui est encore disponible. Les berges des cours d’eau, par exemple, constituent souvent des lieux agréables, qui ne seront pas défigurés par une piste cyclable comme ils ont pu l’être par des voies automobiles. La rive droite de la têt serait-elle plus belle bordée de vélos et d’arbres ? Il y a d’autres berges :

  • la Têt, en rive gauche, le long de l’avenue Torcatis.
  • la Basse, de Toulouges jusqu’au gué de la Têt.
  • les petits cours d’eau qui traversent le Haut-Vernet comme les ruisseaux du Vernet, du grand et du petit vivier, qui en de nombreux endroits peuvent facilement être aménagés.
  • le canal de Perpignan (las canals), et le pont des Arcades
  • le ruisseau qui traverse le bois de chêne du lotissement Mas Vermeil (al correc de lloberes)
  • etc…

Outre que ces berges sont agréables, des ouvrages existant sur ces parcours de l’eau pourraient souvent servir de franchissement de points noirs de la circulation. Citons comme exemple la Basse qui passe sous la voie ferrée, sous le boulevard des Pyrénées. Citons aussi le pont des arcades qui enjambe la 4-voies, et qui supporterait facilement un trafic de vélo.

P.S.: 

Qui veut compléter cet article en décrivant les mesures en faveur des « Collèges et Lycées » ? Il faudrait aussi expliquer comment la piétonisation et la bicyclette favorise « le Commerce en ville ».

Combien d’euros pour le vélo en ville ?

Très souvent, on entend des techniciens ou des élus invoquer le problème des moyens pour excuser leur impuissance à créer des équipements cyclables. Mais à la question « Quel montant est consacré aujourd’hui au vélo, et quel montant à la voiture ? », on n’obtient généralement aucune réponse. En effet, dans le budget voirie, on confond tous les investissements, qu’ils soient destinés à l’auto ou au vélo. Que l’on dise clairement combien d’argent on veut mettre pour promouvoir un mode de transport qui offre tant d’avantages, et combien pour continuer à favoriser la voiture.

  • 50 % pour le vélo ?
  • 10 % ?
  • 1 % … ?

Qu’on annonce la couleur, et qu’on bloque cet argent sur une ligne de crédit réservée à la bicyclette. On aura fait un grand coup de pédale en avant.

En effet, dans le budget voirie de la ville sont confondus tous les investissements fait pour la circulation et le stationnement en ville, et la grande majorité concerne la voiture :

  • du revêtement de chaussée
  • des parkings
  • des rocades
  • des espaces de stationnements en surface
  • des ponts
  • du mobilier pour les empêcher de monter sur les trottoirs
  • etc…

Une piste cyclable fantôme.

Fin 2003, un panneau annonçait 350000 euros de travaux, et la création d’une piste cyclable dans le quartier Clodion-Torcatis, pour le premier trimestre 2004…

Décembre 2004, aucun équipement cyclable n’a vu le jour, et les travaux sont finis ! «Vélo En Têt» interpelle la mairie pour savoir où est passé le budget initialement prévu pour la promotion du vélo. Personne ne semble se souvenir de l’intention affichée sur ce panneau, mais la mairie nous offre un rendez-vous avec M. le Maire, et les directeurs des services techniques.

A cette occasion, des interlocuteurs « vélo » ont été désignés :

  • M. Piéri pour la ville,
  • M. Fara pour la communauté d’agglomération Perpignan-Méditerranée.

L’association sera sollicitée pour faire des propositions et les projets concernant les aménagements cyclables seront examinés avec elle. De même, des opérations de promotion du vélo en ville (Fête du vélo, Journée « En ville sans ma voiture ») seront organisées en collaboration.

Au cours de cette entrevue, l’équipe municipale nous annonce ses intentions :

  • développer des contre-sens cyclables, c’est à dire des rues à sens unique pour les voitures, mais à double sens pour les bicyclettes. Cela devrait permettre de mailler le réseau cyclable, avec plus de sécurité pour les cyclistes.
  • la piétonisation et la cyclabilité du centre ville.
  • dissuader la traversée du centre ville par les voitures grâce à des sens uniques. Des boucles permettent l’accès en voiture pour commerçants et riverains.
  • disséminer davantage d’arceaux de stationnement vélo.
  • la réalisation de liaisons cyclables entre CV et quartiers.

Ces aménagements sont peu coûteux, comme c’est souvent le cas pour le vélo, mais ils peuvent marquer dans le paysage urbain une volonté municipale. Cette rencontre n’a pas apporté de réponse au sujet du budget, mais nous a permis d’entendre une déclaration d’intention… qui sera peut-être suivie d’effet !