RD617a

En effet, l’ancienne RD617 était une route à 2×1 voies, et on a décidé de construire ce qui est aujourd’hui la nouvelle RD617, une voie-express à 2×2 voies, sur la berge de la Têt. On a donc maintenant 6 voies voitures… et toujours pas de voie cyclable directe !

Qu’est ce qu’on y a gagné ?

Une minute !

Si on demande aujourd’hui un itinéraire voiture à Googlemaps entre Perpignan et Canet (de centre à centre), il propose de passer par cette nouvelle route D617, en parcourant 10,5 km en « environ 13 minutes ». Si on programme le passage par l’ancienne route D617a, il prévoit alors un parcours de 10,5 en « environ 14 minutes ».

En même temps qu’un des derniers espaces naturels du bord de la Têt, ce sont des millions d’euros qui ont donc été englouti sous le béton et le bitume pour gagner UNE minute en voiture. Cette minute est par ailleurs gaspillée dans le temps perdu dans les embouteillages toujours plus nombreux quand on arrive en ville… mais ça valait le coup non ?

Quelques opposants à ce projet s’étaient exprimés à l’époque :

– comment faire baisser le trafic automobile si on multiplie les routes ?

– pourquoi ne pas remettre en service un tramways de la plage pour aller se baigner, et efficace également pour les habitants de Canet venir travailler à Perpignan, ou y exercer d’autres activités…

– On regrette chaque jour d’avoir détruit la berge de la rivière en ville, qui offrait un espace magnifique pour un parc en plein cœur de ville… Pourquoi détruire la berge de la rivière entre la ville et le littoral, plutôt que d’y aménager une promenade, une voie cyclable, un axe de mobilité douce pour aller chaque dimanche pique-niquer à la plage à bicyclette… ?

– …

«Rassurez-vous» leur a-t-on répondu : «avec cette nouvelle route, on va changer la destination de l’ancienne route, de laquelle toutes les voitures vont disparaître, et qui va devenir une petite route calme et tranquille…»

On a donc construit la nouvelle route. Elle a coûté très cher car sa construction en berge de rivière nécessitait d’utiliser des techniques particulières. Le milieu naturel de la berge de la rivière a été définitivement détruit, avec son biotope, ses zones de nidification d’oiseaux, etc… Cette voie express à coupé des itinéraires de promenades piétonnes qui traversaient des vergers et des champs. Le canal d’irrigation qui va de Perpignan à Canet, bordé tout du long par un sentier, et pour lequel plusieurs projets d’aménagement en itinéraire de ballade existaient, longe maintenant dans le vacarme la voie express, puis la traverse dans un tuyau en béton inutilisable.

Dira-t-on encore aujourd’hui qu’on a exploité au mieux cet espace ?

Quant à l’ancienne route, rebaptisée RD617a, on y a peint deux bandes cyclable sur les bords, qui n’ont jamais été utilisées que par de rares cyclistes, tant la proximité, le nombre et la vitesse des voitures dissuadait de s’y aventurer. Quelques mois plus tard, pour renforcer la sécurité des autos, on a construit une glissière centrale en béton, censée éviter les accidents frontaux. La largeur nécessaire à la bande cyclable a disparu. On l’a donc effacée.

Aujourd’hui, alors que la nouvelle 2×2 voies sur la berge de la rivière est couverte chaque jour de voiture, l’ancienne route est encore plus encombrée qu’en 1990, et totalement intraversable à cause du mur central. Des carrefours nouveaux sont apparus, notamment à cause de la création de la rocade SUD (rd22), avec des bretelles qui montent et qui descendent sous la RD617, des ronds-points, tout ça protégé par des petits murs en béton et des fossés… De nouveaux quartiers d’habitation, sans aucun commerce, apparaissent au Nord de cette route (près de la CAF), et des quartiers de commerce (sans habitation) se construisent de l’autre côté. Les gens habitant à quelques centaines de mètres de ces commerces ne peuvent s’y rendre qu’en voiture, pour y travailler ou y faire leur courses.

Globalement, la circulation automobile entre Perpignan et Canet ne cesse d’augmenter. Ces facilités routières incitent nos concitoyens à habiter loin de leur travail, à faire leur course exclusivement en voiture, à délaisser les commerces de proximité, et à ne jamais utiliser les transports en commun. Le Roussillon se couvre de bitume. Au milieu du vacarme des moteurs, l’urbanisation diffuse galope.

Les responsables de ce désastre peuvent continuer, dans les congrès d’Urbanisme à parler de développement durable, de la mixité en ville, de l’urgence qu’il y a à changer nos modes de vie, de l’absurdité de la voiture en ville… Leurs discours sont illustrés par des images de synthèse d’une ville lumineuse et verdoyante, où des piétons souriant discutent sous les frondaisons, et où quelques rares voitures sont sagement garées… Le lendemain, ils construisent de nouvelles RD617.

La Ligne à Grande Vitesse

Or, pour les riverains, la construction d’une infrastructure telle que la LNMP(Ligne Nîmes-Montpellier-Perpignan) implique le plus souvent un allongement du temps de trajet quotidien et des émissions de carbone y afférentes, et jamais un gain de temps. Pour le citoyen qui ne prend jamais le TGV, cela représente donc une perte sèche de temps et de dépense énergétique. On se trouve ici face à une déséconomie externe typique. Il peut alors se produire des transferts modaux inversés, telle portion de trajet qui pouvait se faire ou s’envisager à pied ou à vélo étant suffisamment rallongée pour que l’intéressé se résolve à la parcourir exclusivement en voiture.(Déjà handicapé personnellement par la nécessité d’emprunter un pont-route, qui me coûte chaque jour travaillé 600 mètres supplémentaires pour enjamber la ligne Perpignan – Figueras, j’entends parler de suppression de passages à niveau qui amèneraient probablement cet allongement à 3 à 6 km. Dans ce cas, plus question de faire à vélo, surtout le soir, ce trajet quotidien qui représente déjà deux fois 12km).

Traquenard

Or si l’on s’applique à ce que la ligne nouvelle soit transparente pour les réseaux hydrauliques, et traversable par la faune locale, on n’a prévu aucun effort particulier pour les piétons, cyclistes, et autres usagers des circulations douces. Un dessin publié à la page 73 du dossier du maître d’ouvrage démontre parfaitement cette désinvolture. On y voit un cycliste rouler sereinement sur un pont-route enjambant la ligne, où il croise une voiture, vision idyllique parfaitement illusoire, d’autant que le dessin est par nature une image fixe.

En fait, on peut se trouver sur ces itinéraires en compagnie de dizaines de voitures roulant à vive allure, et la bande cyclable éventuelle, bonne conscience des constructeurs, souvent matérialisée par une sur-largeur créée pour des objectifs bien différents, comme l’arrêt d’urgence des véhicules motorisés, ne sera sécurisante que si elle est prise sur la gauche, pour être face au danger, comme on le conseille aux piétons. (Certains membres de l’association de cyclistes Vélo-en Têt que j’avais emmenés un dimanche en visite promenade ont qualifié de « traquenard » la traversée à vélo de la ligne Perpignan – Figueras par le nouveau pont-route construit entre Le Soler et Toulouges).

Le tube du siècle

Lors de l’enquête publique concernant cette réalisation, j’avais d’ailleurs demandé que, au moins en zone urbaine, et partout où c’était envisageable, la voie soit traversable tous les 500 mètres, et longeable, même au moyen d’un simple sentier, par les piétons, cyclistes, et autres usagers non motorisés. En effet, n’est-il pas un peu réducteur, voulant construire pour 100 ans, de n’envisager que les circulations transversales actuelles, automobiles dans une écrasante majorité ?

Bien sûr, il est toujours possible de construire un nouveau pont-route pour une voie nouvelle qui serait créée, et l’économie sur la distance économisée par les véhicules à pétrole sera soigneusement évaluée, d’autant que le prix du pétrole ne peut que monter dans les décennies qui viennent. Dans ce contexte, il est possible que les transferts modaux vers le vélo et la marche à pied deviennent plus intéressants. Mais ils le seront d’autant plus si la distance à parcourir est plus courte, comme cela est en permanence recherché dans les pays qui sont en avance par rapport à nous sur ce plan.

Or un tube de béton de deux mètres sur deux de section ne coûte rien s’il est posé à la base d’un remblai avant la construction de la ligne. On pourrait même envisager qu’il serve aussi à faire passer une rivière sèche ne coulant que quelques jours par an, et pour laquelle on revendique de rester « transparent ». (La coexistence des vélos et d’une rivière en eau a même été acceptée pour la traversée d’une rocade routière entre Perpignan et Toulouges.) Après la construction de la ligne, ce passage coûtera très cher, et ne sera évidemment réalisé que s’il y a une très forte pression, c’est à dire une très forte souffrance des riverains devant traverser la structure. Par ailleurs, pendant quelques temps encore, on ne le réalisera pas sans envisager aussi un passage pour les voitures, ce qui en augmentera prodigieusement le prix, ce qui en retardera encore la réalisation.

La même suggestion peut être reprise pour les déplacements longitudinaux.. Je ne parle pas de laisser des particuliers circuler le long des voies, encore, que s’ils sont censés, ce soit bien moins dangereux pour eux que de marcher le long d’une départementale périurbaine. Je suggère seulement qu’un cheminement de deux mètres de large permette de longer la ligne à toute circulation douce présente ou future, ou, à défaut, que le chemin de service soit placé hors de la clôture, tout en restant interdit aux véhicules lourds par des chicanes ou autres dispositifs le laissant libre en permanence pour les véhicules de maintenance du chemin de fer.

Clôture étanche

Ainsi par ces possibilités transversales et longitudinales de déplacements à faibles émissions de carbone, la LNMP compenserait en partie celles que sa création induit chez les riverains, qui devraient d’ailleurs, ayant vocation à durer autant que l’exploitation de la ligne, être évaluées et intégrées en négatif au bilan carbone global de l’opération.

Dépassant ainsi le cadre d’une liberté de déplacement fermée sur les réseaux existants, dont on sait que certaines voies sont d’ailleurs arbitrairement condamnées à l’occasion de telles constructions, on recréerait au bénéfice des riverains des possibilités ouvertes, qui seraient le gage de la convivialité de l’entreprise. Cette attitude serait certainement plus créative et efficace pour l’acceptation de la ligne qu’une politique de clôtures barbelées la plus étanche possible, évoquant ces lotissements fermés qui envisagent le passant ordinaire comme un ennemi.

En conclusion, je demande donc qu’un budget spécifique soit dédié aux circulations douces, transversales et longitudinales, des riverains de la ligne, pour compenser par des aménagements capillaires locaux, ressortant à la fois du transport et de l’environnement, et éventuellement couplés à des aménagements hydrauliques, la gène définitive que cette dernière introduira dans leur vie quotidienne.

Perpignan – Saint-Estève

Cette petite route rejoignait le «Cami dels Horts» (le chemin des jardins) qui traverse les cultures maraîchères entre Perpignan et Saint-Estève. Miraculeusement, cette petite route n’avait pas été coupée par la construction de l’autoroute… enfin presque. Un passage sous l’autoroute subsistait en effet, en forme de demi tube, mais tellement bas qu’il obligeait à baisser la tête à vélo ! Ceux qui avaient participé à la randonnée musicale avec Jazzebre se souviennent de ce passage.

Jazz & Vélo en octobre 2008

Itinéraire assez calme, court et efficace pour parcourir à vélo les 5 km. qui séparent St-Estève de Perpignan, il est gravement menacé. Il est même d’ores et déjà impraticable.

Coté Perpignan : barrière et inondation

Lorsque le chantier de la rocade Ouest a été définitivement décidé, et qu’il est passé sous la maîtrise du Conseil Général, Vélo En Têt, avec des adhérents de St-Estève a contacté la Communauté d’Agglomération (M. L. Fara), puis a demandé à rencontrer la direction des routes du CG (M. J. Martin), pour réclamer que le chantier ne coupe pas cet itinéraire précieux pour les usagers du vélos.

A cet endroit la rocade occupera plus que la largeur des voies de circulation pour voitures. En effet, la construction du Pont sur la Têt se faisant dans un second temps, dans un premier temps c’est un rond point au bord de la Têt qui permettra de rejoindre le passage à Gué. Il y aura donc à cet endroit, en plus des voies centrales, des bretelles d’accès à la rocade depuis ce Rond-point. L’ouvrage total devrait donc faire environ 60 m de large. Le service des routes du CG nous a affirmé que la continuité de notre itinéraire serait maintenu par un passage inférieur. Sur notre insistance, il ont affirmé que le passage serait également éclairé.

L’avenir nous dira ce qu’il sera effectivement resté de cet entretien…

Mais avant même la construction, l’état actuel du chantier ne laisse rien augurer de bon… Le petit passage sous l’autoroute est déjà inondé, obstrué par des plots de chantier en plastique rouge et blanc, et il se déverse là-bas des monceaux d’ordures qui rendent maintenant l’usage du passage à vélo impossible.

Coté Saint-Éstève : Des gravats, des monceaux d’ordures, des barrières… rendent l’accès impossible

Avant même sa construction, la rocade produit donc déjà ici un de ses premiers effets de coupure. Gageons qu’il ne sera hélas pas le seul.


Mise à jour (été 2014)

Passage sous l’A9, coté Saint-Éstève
Passage sous l’A9, coté Perpignan
Passage sous la Rocade Ouest