Mai à vélo… juin en auto

Mai à vélo est un événement national destiné à promouvoir la pratique du vélo.
Un mode de transport à la fois ancien et on ne peut plus actuel, qui offre la liberté de se mouvoir simplement, rapidement et gratuitement, de ne pas générer de CO2 ni de particules fines, de s’émanciper du pétrole, de retrouver l’usage de son corps, etc.

Mai à vélo est soutenu par l’État français et de nombreuses autres entités

Mai à vélo est soutenu par l’État français et de nombreuses autres entités

ℹ️ S’il existait des leviers de frein pour diminuer les effets des changements climatiques dans les années à venir, le premier à actionner serait celui des transports, qui représente plus du tiers des gaz à effet de serre nationaux. Dans cette catégorie, la voiture individuelle pollue plus que tous les autres modes de transport réunis et devrait donc être au centre des préoccupations des collectivités.
Afin de mesurer localement les enjeux autour du transfert modal (voiture vers vélo), il faut se rendre compte que dans la Métropole de Perpignan, la distance moyenne d’un déplacement n’est que de 5,4 km, et que 84% des déplacements quotidiens font moins de 10 km !

➡️ Cet incroyable potentiel a été compris par certains de nos politiques et de nos techniciens qui œuvrent au développement et à la mise en place d’un réseau cyclable utilisable par tous au quotidien et durant nos loisirs.

Pourtant, à Perpignan, le village des mobilités douces proposé par Vélo en Têt en début d’année et prévu depuis plusieurs mois par la mairie le 14 mai dans le cadre de ce mois du vélo, a été annulé au profit d’un événement sur trois jours (3-4-5 juin), intitulé Roue Libre dont la description du site officiel : « Roue libre évènement automobile et motos Perpignan »  annonce déjà la couleur…


Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit malheureusement d’un festival de la voiture, porté par l’Automobile Club du Roussillon (ACR) et l’ex-CNPA (Conseil National des Professions de l’Automobile) dont les missions sont claires : « défendre les intérêts des entreprises de la distribution et des services de l’automobile en France.».

Si pour les spécialistes le sujet des mobilités (au pluriel) a beaucoup de sens quand on analyse les besoins des usagers qui bien souvent combinent la marche avec les transports en commun à l’échelle d’une ville ou d’une agglo, ou bien le vélo et le train à l’échelle départementale, régionale, nationale ou européenne, un coup d’œil au programme de l’évènement permet de se rendre compte rapidement que les animations proposées sur ces trois jours ne tournent qu’autour de l’automobile en jouant sur la nostalgie qui y est associée et laissent littéralement de côté le vélo et la trottinette. La marche, le bus, le train et les PMR ont tout simplement été oubliés et ne figurent pas au programme.

Notre version modifiée de la plaquette de l’évènement

L’automobile, qui occupe plus de 50 % de l’espace public de nos villes et villages, qui mobilise presque 2 tonnes de matériaux divers pour déplacer le plus souvent une seule personne dans ses deux fois 5 km quotidiens, cette automobile pouvant atteindre des vitesses supérieures à 150 km/h pour ne se déplacer en moyenne maximale qu’à 35 km/h dans les territoires peu denses et encore moins vite en agglomération, a selon nous suffisamment de visibilité tout au long de l’année avec par exemple la Nuit des Longs Capots qui se tenait fin mars, mais la liste est longue…

Il est très inquiétant au vu des enjeux environnementaux actuels que rien ne soit proposé de sérieux pour mettre en valeur la petite reine dont nous connaissons le potentiel sur les courtes et moyennes distances, alors que les mêmes animations auraient été facilement transposables à la bicyclette…

Symboliquement, le fait de donner autant de présence à l’automobile au centre-ville nous semble être un mauvais signal envoyé par la mairie qui se positionne à contre-courant de la tendance (inter)nationale : réduire la place des véhicules motorisés en ville.
Tout comme le CNPA qui s’est auto-renommé « Mobilians » en début d’année (sans doute pour mieux faire passer la pilule), nous regrettons que notre commune tombe dans le piège du « greenwashing » avec cet évènement, qui de manière trompeuse laisse croire à un traitement exhaustif et chronologique de l’ensemble des mobilités (« La mobilité à travers le temps » indique le sous-titre), alors qu’il ne s’agit que de fêter en grande pompe les 100 ans d’une association automobile au détriment des mobilités douces.

Alors que partout ailleurs en France le mois de mai sera la fête du vélo, il est effarant que Perpignan l’anachronique dénote autant en juin avec la fête de l’auto !

Piétonisation : en finir avec le dogme du « no parking, no business »

Alors que la réfection de la rue Jean Payra vient de débuter (elle n’accueillera plus que les bus et vélos à la fin de l’année), revient le débat de la piétonisation et plus largement le sujet de la place de voiture en ville.
La récente publication de Mathieu Chassignet (spécialiste en mobilités durables) sur Twitter, que nous nous proposons de vous retranscrire ici, est l’occasion de rappeler le non fondé des craintes des commerçants et de certains riverains à ce sujet.
N.B : la ville de Nancy (105 000 hab) a une taille similaire à celle de Perpignan (119 000 hab)

En vue de la piétonisation d’une partie du centre-ville, la ville de Nancy a réalisé une enquête auprès des clients et commerçants.

Résumé des points clés :

➡️ Une fois de plus les résultats montrent un vrai décalage entre les perceptions des commerçants et la réalité des usages des clients

L’enquête sur la mobilité des clients montre que :
➡️ La marche est le moyen de transport n°1. La voiture représente seulement 35%
➡️ Ce chiffre est similaire aux enquêtes menées dans d’autres grandes villes
Et 13% des clients sont venus à vélo, ce qui est loin d’être négligeable !

2è enseignement : la clientèle est très locale : 57% des clients vivent à Nancy et 89% dans le Grand Nancy
➡️ Cette proximité explique la faible part de la voiture dans les déplacements des clients (et là-aussi c’est similaire aux autres enquêtes)

➡️ Interrogés sur la création d’une nouvelle zone piétonne, 78% des clients s’y disent favorables.
➡️ Du côté des riverains, la grande majorité y est également favorable (68%) :

Les réponses dépendent du moyen de déplacement utilisé.
➡️ On note tout de même que même les clients qui sont venus en voiture sont favorables à la piétonisation :

Passons maintenant à l’enquête menée auprès des commerçants :
➡️ Ceux-ci surestiment énormément le poids de l’automobile parmi leur clientèle : ils estiment que 77% de leurs clients viennent en voiture alors que la réalité est de 35%
➡️ De même ils sous-estiment largement la marche et le vélo :

Cette surestimation de la voiture chez les commerçants a été observée partout où ce type d’enquête est réalisée.
Elle explique en grande partie l’opposition des commerçants aux projets de piétonisation… une opposition basée sur une perception erronée.

Résultat : seulement la moitié des commerçants soutiennent la création d’une nouvelle zone piétonne (alors que 78% de leurs clients la souhaitent !)
➡️ Des craintes liées à la mauvaise connaissance de la façon dont leurs clients se déplacent…

En conclusion : il faut continuer de faire ce genre d’enquêtes pour faire prendre conscience de la réalité des mobilité des clients (beaucoup d’oppositions viennent de leur méconnaissance).

Pour d’autres résultats similaires sur la ville de Lille : https://blogs.alternatives-economiques.fr/chassignet/2021/12/16/mobilite…
Article (de fin 2019) sur le sujet : https://blogs.alternatives-economiques.fr/chassignet/2019/12/12/commerce…