Perpignan refuse la généralisation des DSC

Depuis 2008, un décret (décret 2008-754 du 30 juillet 2008) a introduit dans le Code de la route la généralisation des « double-sens-cyclables » (DSC) dans les Zones 30. L’article R110-2 précise donc depuis cette date que dans les zones 30, « toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes ». Il y a donc eu une inversion du principe et de l’exception, la rue à sens unique pour les cyclistes devenant exceptionnelle dans ces zones. Perpignan n’applique pas cette règle et nous nous battons pour que ca change.

La ville a pourtant eu un délai de 2 ans pour mettre en conformité la signalisation et l’aménagement de ces zones 30 existantes avec les nouvelles règles. Nous avions attiré l’attention des services de la mairie sur cette obligation dès septembre 2008, les encourageant à aménager, comme tant d’autres villes françaises s’y sont engagées, avant l’échéance de juillet 2010 l’ensemble des rues à sens unique de la zone 30 en DSC.

Hélas, notre ville de Perpignan a édité un arrêté municipal (Voir le document joint à cet article) à la veille de cette échéance, le 10 juin 2010, pour exclure de ces dispositions les principales rues de la zone 30 du centre ville :

  • celles dont le sens unique impose de larges détours aux usagers de la bicyclette,
  • celles qui permettraient, si elles étaient aménagées en DSC, de traverser à vélo le centre ville rapidement et de relier entre eux ses différents quartiers,
  • celles qui permettraient aux cyclistes d’éviter la traversée d’espaces piétonniers, ou d’emprunter des trottoirs. Bref, ont été exclues les rues qui étaient visées par ce décret de 2008 comme devant être aménagées en DSC pour faciliter la circulation des vélos et des piétons dans les zones 30.

Dans la petite zone 30 du centre de notre ville, ce sont ainsi les 13 principales artères(Voir le plan de ces rues joint à cet article) qui sont exclues des dispositions du décret par cet arrêté. Suivant l’esprit de ce décret, seuls certains cas très particuliers, de visibilité impossible, de grand danger, de présence de camions…, peuvent justifier, de façon exceptionnelle, des mesures dérogatoires à la généralisation des double sens cyclables. Les motivations rapidement évoquées dans l’arrêté excluant ces rues de l’aménagement en DSC ne nous paraissent pas pertinentes : rue trop étroite, passage d’un minibus, déclivité, aménagement inadéquat….

  • En effet, d’autres rues de la zone 30, plus étroites que celles qui sont exclues, seront aménagées en DSC. Des expériences françaises et étrangères démontrent que certaines voies très étroites ont été aménagées en DSC depuis plusieurs années sans qu’y soit constaté aucun accident. Les usagers s’y voient mutuellement, ralentissent et manœuvrent pour se croiser, contrairement à une rue trop large, qui se traduit le plus souvent, à défaut d’aménagement adapté, par des vitesses des automobilistes dépassant les 30 km/h.
  • Le minibus desservant les rues du centre ne présente pas plus de danger qu’une camionnette de livraison dans la zone 30, y compris dans des rues où le DSC sera autorisé. 
  • Les rues présentant une certaine déclivité sont d’ores et déjà empruntées par des cyclistes. Un aménagement en DSC ne les « oblige » pas à les emprunter, mais éviterait souvent un détour aux usagers riverains de la rue pour quitter ou rejoindre leur domicile.
  • Quant à l’aménagement inadéquat de la voie, le décret du 30 juillet 2008 donnait précisément aux communes un délai de 2 ans pour la ré-aménager. Accepter un tel argument reviendrait à admettre qu’en n’aménageant pas les voies, on pourrait retarder indéfiniment la mise en application du décret.

Nous regrettons que, malgré nos courriers au sujet de ce décret et de son application, aucune concertation avec les usagers de la bicyclette (ou des autres alternatives à l’automobile) que nous représentons n’ait guidé le choix des rues qu’il convenait d’exclure du dispositif des DSC en zone 30. Nous ne rappellerons pas ici les avantages de cet aménagement qui rend plus sûr et plus efficace l’usage de modes de transport non polluants, mais nous aurions été heureux de le faire si nous avions été consulté avant cette décision. Nous avons donc très officiellement demandé au Maire de retirer cet arrêté dont nous contestons carrément la légalité au regard du décret de juillet 2008. Nous sommes persuadés qu’une analyse convergente de la situation des rues de l’hypercentre par les services de la ville et notre association conduirait à aménager en DSC la totalité des voies du centre, respectant ainsi le code, offrant plus d’efficacité aux déplacements à bicyclette, et incitant par là nos concitoyens à se tourner vers ce mode de transport moderne. Deux mois après cette demande, nous n’avons toujours reçu aucune réponse. Nous n’avons donc pas d’autre alternative que de saisir le tribunal administratif pour qu’on applique enfin dans notre ville les rares lois qui encouragent à rendre nos villes plus cyclables.

Petit billet d’humeur

Rencontré, hier matin, un individu dans la rue qui s’est baissé pour ramasser la crotte de son chien ! Failli arrêter mon vélo d’urgence pour le féliciter mais me suis ravisée : il allait peut-être mal le prendre et croire que je me moquais de lui !

En vérité, on est très susceptible à Perpignan, sur la propreté, sur la pollution, et on critique un max, en balançant ses papiers et canettes dans la rue, en utilisant un sac en plastique à chacun de ses achats, en prenant son véhicule pour faire une mini-course, en y enfournant ses enfants pour les conduire à l’école, à quelques centaines de mètres de la maison…Mais il y a toujours un bon prétexte : il fait froid, ou trop chaud, ou c’est trop loin, ou on est pressés, ou le plus hypocrite : on y va en passant pour aller ailleurs… Résultat : des enfants qui ne connaissent ni leur rue, ni leur quartier, ni leur environnement immédiat, qui ne sont plus capables de marcher une petite demie-heure, ni de rester debout 5 minutes, toujours fatigués… Une génération d’assis… devant les écrans, dans les voitures, dans les canapés, sur les chaises à l’école… (non, pardon, pas assis mais vautrés…). Se baisser pour ramasser une crotte me paraît donc un geste tellement peu usité, de nos jours ! C’est comme le petit geste de la main pour dire merci, quand je m’arrête en côte et que je me couche pratiquement sur le trottoir pour laisser fort courtoisement passer un véhicule pressé (il travaille, lui !)…. C’est tellement rare qu’il m’arrive d’arrêter ensuite le conducteur en le doublant au carrefour suivant pour le remercier à mon tour… Les traditions se perdent… la banale humanité aussi.

Notre ville qui soi-disant doit être accueillante «Soyons les ambassadeurs de notre région», (il fallait l’oser) et où, soi-disant, il fait bon vivre, est hostile aux piétons, aux deux-roues, aux parents avec poussettes, et aux handicapés….

Il faut se battre pour traverser sur les clous, quand on en trouve, des clous ( j’ allais dire : des clous !)…

Sur le boulevard des Pyrénées, il y avait un feu, devant l’école et le collège, pour permettre aux enfants de traverser et de rejoindre les arrêts de bus… Le feu tricolore a disparu, il devait empêcher les autos d’aller assez vite… maintenant, il y a des barrières, pour empêcher les piétons de se faire tuer et permettre aux autos de rouler sans entraves !

On a l’impression que tout ce qui a un rapport avec la qualité de vie est inconnu, ici. Par contre, tout ce qui touche le commerce, le rapport, ça marche bien !

Il y a une vingtaine d’années, la place Arago était occupée par un groupe de quelques messieurs bavardant, presque tous les matins… Sont-ils tous morts? Peut-être sont-ils maintenant installés aux terrasses des cafés ?

Mon petit coeur de Perpignanaise s’angoisse à l’idée des travaux qui ont débuté place Cassagnes. Les toilettes publiques (avant-dernières de la ville, les dernières sont au palais de justice) vont disparaître, les baraques des marchands, aussi. Quel désert minéral agrémenté de petites pissotières au ras du sol va-t-on nous proposer ? On ne peut que trembler car les places de Catalogne, Arago, Gambetta, de la Victoire et de la République sont particulièrement inhospitalières, peu ombragées, peu pourvues de bancs, sans toilettes publiques…, sans fontaines pour se désaltérer… Si accueil il y a, c’est aux touristes argentés, qui s’abreuvent aux terrasses de cafés, paient les parkings et les parcmètres…

Bon nombre des gens de mon entourage ne savent pas qu’on peut prendre le bus… qu’il y a des bus de l’Agglo… que ça ne coûte pas si cher…. C’est vrai qu’on est quand même coincés dans des embouteillages dignes de la région parisienne ! Alors, on préfère être coincés, mais avec sa radio, sa musique, son air conditionné, son propre chauffage. «Propre» est à prendre à double sens évidemment… Dans les transports publics, on ne rencontre que des jeunes, ou des vieux. La tranche d’âge à partir de 18 ans (tu seras un homme, mon fils puisque je te paie ton permis et ta bagnole et que, sans voiture, on n’est rien… on n’existe même pas.) est dans les embouteillages, à râler parce que ça n’avance pas… Faudrait faire un tunnel qui passerait sous la ville, pour éviter Perpignan… comme on construit un tunnel sous le rond-point d’Auchan… Est-ce que ça coûte plus qu’un tramway, tout ça ? Les travaux de la pénétrante ouest ? La mise à 6 voies de l’autoroute ? Les ponts en veux-tu, en voilà sur notre petit fleuve ? La seule solution pour qu’il y ait moins de véhicules, c’est de les empêcher de rouler ! pas de leur faciliter le passage ! J’en ai assez que mes impôts servent à installer du goudron à profusion!

On nous dit que les bips ont fait un flop… la compagnie Clear-Channel va-t-elle démonter tous les panneaux publicitaires éclairés et déroulants, tous les abri-bus installés dans notre ville en contrepartie de ses similis bicyclettes ?

Comment repeindre en vert la publicité ? En « offrant » un service soi-disant écologique ! Le tour est joué ! Qui en fait les frais ? Une population de plus en plus abrutie par les messages publicitaires et incapable de penser par elle-même… de se déplacer par elle-même… toujours plus dépendante des biens de consommation… toujours plus dépendante des énergies fossiles.. et à qui on assène qu’on ne peut faire autrement !

Quant à cette hypocrisie appelée « Semaine de la mobilité » ! A Perpignan, on devrait la rebaptiser »Semaine de l’immobilité » : immobilité au volant, dans les embouteillages !

C’est toute l’année qu’il faudrait être mobile, et indépendant de nos « chères » voitures !

le modèle Émilien

Les économistes, sociologues et autres observateurs de la réalité sociale italienne se sont étonnés, fut un temps, de la capacité des provinces du nord de l’Italie à produire des formes d’organisations originales et performantes (comme on dit aujourd’hui). Des brescianis (Les Bresciani (à Brescia, au pied des lacs alpins, à l’est de Milan), étaient des petites aciéries sous forme de PME familiales qui auraient du crever avec la concurrence des grands groupes mais ont survécus grâce à l’imagination (culture technique venue du XVII s.), qui ont su s’adapter au marché (aciers spéciaux, etc…) par exemple en utilisant dès les années 60 des ferrailles de récupération comme matière première dans des fours électriques, mais également grâce à une collaboration des entreprises.) au modèle pratésien (Dans la région de Prato une industrie textile s’est maintenue très longtemps avec des petites industries rurales, et tout un tas de entreprises industrie-mécanique et plasturgie qui se maintiennent encore en se basant sur un principe de coopération autant que de concurrence…) du textile, les innovations en matière d’organisation productives n’ont pas manqué dans cette région de nordiques latins ; mais on peut s’étonner de voir cette même imagination à l’œuvre dans la gestion de l’espace public et en particulier dans ce qui touche aux déplacements urbains et inter-urbains. Les cités d’Émilie-Romagne nous offrent des exemples d’un modèle de déplacement et de transports collectifs qui -moyennant quelques perfectionnements- pourrait bien préfigurer le modèle de déplacement urbain de l’avenir dans les pays latins….

Le modèle Émilien réalise de façon satisfaisante l’inter modalité train-bicyclette ce qui permet de surmonter la contradiction entre des centres historiques, vivants,traités en zone de rencontre et quasi fermées à l’automobile et l’habitat dispersé des zones rurales et périurbaines. Car, à l’inverse de la France,les régions italiennes ont su préserver les lignes omnibus « d’intérêt  local » qui permettent aujourd’hui, de limiter efficacement l’usage de la voiture dans les déplacements quotidiens ; l’articulation avec le déplacement vélo s’effectuant de façon naturelle et originale au niveau des gares. Ainsi, sans présumer des apports des nouvelles technologies en matière de déplacement (nouveaux véhicules, voiture électrique…etc), les solutions d’un développement urbain durable pourraient dès maintenant,être mises en œuvre moyennant quelques investissements d’infrastructure…à condition de consentir à l’abandon du paradigme individualiste de l’automobile et à un effort (peu coûteux) d’intelligence collective.

P.S.: 

Lundi 18 octobre 2010 à 18h30, notre trésorière, Astrid Osland, présente à l’Atelier d’urbanisme, l’utilisation du vélo comme moyen de déplacement dans quelques villes d’Italie du Nord : Tréviso, Padoue, Ravenna, Parma , Ferrara, Modena, etc… L’organisation des centres historiques, l’inter-modalité, le bike-sharing, les pistes cyclables… Exemples de volontés politiques fortes et…de quelques investissements… «Des exemples à suivre !» affirme Astrid, qui ajoute : «Il y en a marre qu’on nous disent : « le vélo c’est pour l’Europe du Nord, ça ne fait pas partie de la culture latine etc… » Cette fois-ci, nous parlerons d’exemples d’un pays bien LATIN !»