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Le violon et le vélo.

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Cheveux longs, tresses, sandales, 12 ou 13 ans. Elle semblait faire de son voyage jusqu'à son cours de violon, un moment de plaisir, une promenade dans la ville, une glissade au travers de "la Réal", un survol du pavé.

Un conducteur de voiture suivait cette jeune fille. Coups d'accélérateur, coups de volant, coups de frein... Excédé par sa vitesse trop faible, il faisait vrombir son moteur, faisait mine de vouloir forcer son passage, quitte à renverser la jeune fille.

Celle-ci avait changé d'attitude. Elle rasait maintenant le trottoir au risque de trébucher sur la bordure, de rouler dans une bouche d'égout, ou de percuter un piéton ou une portière. Elle donnait de rapides coups de tête à gauche et en arrière pour apercevoir cet agresseur qui lui niait le droit de rouler à cet endroit. Finalement, angoissée et fatiguée de lancer des regards, la jeune cycliste s'est échouée contre le trottoir et a posé pied à terre, pour se débarrasser de son poursuivant. Son visage ne montrait pas de rage ou de colère, juste une résignation qui faisait comprendre que cette mésaventure n'était pour elle qu'une quotidienne anecdote. Elle a regardé le bolide s'engouffrer sur la chaussée enfin libre, accélerer bruyamment, et s'immobiliser quelques centaines de mètres plus loin, dans une file de voitures coincées dans un embouteillage.

Puis elle est remontée en selle. Elle avait perdu sa joie de se déplacer à bicyclette, un charme s'était rompu, et à la place une certaine crainte s'était installée. Une espèce de dégout, le sentiment de ne pas être à sa place en ville, et l'idée que demain il vaudrait peut-être mieux se faire accompagner en automobile.

Cette scéne se reproduit chaque jour dans notre ville, et pourtant nul autre endroit ne se prète mieux à l'utilisation de la bicyclette. Les trajets sont courts, le vélo est rapide et silencieux, il se gare facilement et sans embéter personne. Sans polluer, sa simple vue donne à la ville une ambiance paisible. Malgré tout cela, chaque jour des cyclistes se découragent de l'utiliser tant la ville est conçue dans l'intérêt exclusif de l'automobile.

Quand la traversée de la ville par les petites rues sera-t-elle interdite aux voitures ? Quand les transports en commun auront-ils des voies réservées sur les rondas ? Quand prévoira-t-on des itinéraires piétons et cyclables pour accéder au centre ville depuis les quartiers périphériques ?

Des places et des rues piétonnes, des marchés, l'ombre des platanes, des petits commerces, des vélos dans une ville calme et silencieuse, tout ca se fera sans doute à Marseille ou à Toulouse, à Avignon, à Nîmes ou Montpellier, à Gérone, mais pas à Perpignan. Mais alors, quel est le projet pour notre ville ? Voiture-city ?