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La Ligne à Grande Vitesse

Or, pour les riverains, la construction d’une infrastructure telle que la LNMP(Ligne Nîmes-Montpellier-Perpignan) implique le plus souvent un allongement du temps de trajet quotidien et des émissions de carbone y afférentes, et jamais un gain de temps. Pour le citoyen qui ne prend jamais le TGV, cela représente donc une perte sèche de temps et de dépense énergétique. On se trouve ici face à une déséconomie externe typique. Il peut alors se produire des transferts modaux inversés, telle portion de trajet qui pouvait se faire ou s’envisager à pied ou à vélo étant suffisamment rallongée pour que l’intéressé se résolve à la parcourir exclusivement en voiture.(Déjà handicapé personnellement par la nécessité d’emprunter un pont-route, qui me coûte chaque jour travaillé 600 mètres supplémentaires pour enjamber la ligne Perpignan-Figueras, j’entends parler de suppression de passages à niveau qui amèneraient probablement cet allongement à 3 à 6 km. Dans ce cas, plus question de faire à vélo, surtout le soir, ce trajet quotidien qui représente déjà deux fois 12km).

Traquenard

Or si l’on s’applique à ce que la ligne nouvelle soit transparente pour les réseaux hydrauliques, et traversable par la faune locale, on n’a prévu aucun effort particulier pour les piétons, cyclistes, et autres usagers des circulations douces. Un dessin publié à la page 73 du dossier du maître d’ouvrage démontre parfaitement cette désinvolture. On y voit un cycliste rouler sereinement sur un pont-route enjambant la ligne, où il croise une voiture, vision idyllique parfaitement illusoire, d’autant que le dessin est par nature une image fixe.

En fait, on peut se trouver sur ces itinéraires en compagnie de dizaines de voitures roulant à vive allure, et la bande cyclable éventuelle, bonne conscience des constructeurs, souvent matérialisée par une sur-largeur créée pour des objectifs bien différents, comme l’arrêt d’urgence des véhicules motorisés, ne sera sécurisante que si elle est prise sur la gauche, pour être face au danger, comme on le conseille aux piétons. (Certains membres de l’association de cyclistes Vélo-en Têt que j’avais emmenés un dimanche en visite promenade ont qualifié de « traquenard » la traversée à vélo de la ligne Perpignan-Figueras par le nouveau pont-route construit entre Le Soler et Toulouges).

Le tube du siècle

Lors de l’enquête publique concernant cette réalisation, j’avais d’ailleurs demandé que, au moins en zone urbaine, et partout où c’était envisageable, la voie soit traversable tous les 500 mètres, et longeable, même au moyen d’un simple sentier, par les piétons, cyclistes, et autres usagers non motorisés. En effet, n’est-il pas un peu réducteur, voulant construire pour 100 ans, de n’envisager que les circulations transversales actuelles, automobiles dans une écrasante majorité ?

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Bien sûr, il est toujours possible de construire un nouveau pont-route pour une voie nouvelle qui serait créée, et l’économie sur la distance économisée par les véhicules à pétrole sera soigneusement évaluée, d’autant que le prix du pétrole ne peut que monter dans les décennies qui viennent. Dans ce contexte, il est possible que les transferts modaux vers le vélo et la marche à pied deviennent plus intéressants. Mais ils le seront d’autant plus si la distance à parcourir est plus courte, comme cela est en permanence recherché dans les pays qui sont en avance par rapport à nous sur ce plan.

Or un tube de béton de deux mètres sur deux de section ne coûte rien s’il est posé à la base d’un remblai avant la construction de la ligne. On pourrait même envisager qu’il serve aussi à faire passer une rivière sèche ne coulant que quelques jours par an, et pour laquelle on revendique de rester « transparent ». (La coexistence des vélos et d’une rivière en eau a même été acceptée pour la traversée d’une rocade routière entre Perpignan et Toulouges.) Après la construction de la ligne, ce passage coûtera très cher, et ne sera évidemment réalisé que s’il y a une très forte pression, c’est à dire une très forte souffrance des riverains devant traverser la structure. Par ailleurs, pendant quelques temps encore, on ne le réalisera pas sans envisager aussi un passage pour les voitures, ce qui en augmentera prodigieusement le prix, ce qui en retardera encore la réalisation.

La même suggestion peut être reprise pour les déplacements longitudinaux.. Je ne parle pas de laisser des particuliers circuler le long des voies, encore, que s’ils sont censés, ce soit bien moins dangereux pour eux que de marcher le long d’une départementale périurbaine. Je suggère seulement qu’un cheminement de deux mètres de large permette de longer la ligne à toute circulation douce présente ou future, ou, à défaut, que le chemin de service soit placé hors de la clôture, tout en restant interdit aux véhicules lourds par des chicanes ou autres dispositifs le laissant libre en permanence pour les véhicules de maintenance du chemin de fer.

Clôture étanche

Ainsi par ces possibilités transversales et longitudinales de déplacements à faibles émissions de carbone, la LNMP compenserait en partie celles que sa création induit chez les riverains, qui devraient d’ailleurs, ayant vocation à durer autant que l’exploitation de la ligne, être évaluées et intégrées en négatif au bilan carbone global de l’opération.

Dépassant ainsi le cadre d’une liberté de déplacement fermée sur les réseaux existants, dont on sait que certaines voies sont d’ailleurs arbitrairement condamnées à l’occasion de telles constructions, on recréerait au bénéfice des riverains des possibilités ouvertes, qui seraient le gage de la convivialité de l’entreprise. Cette attitude serait certainement plus créative et efficace pour l’acceptation de la ligne qu’une politique de clôtures barbelées la plus étanche possible, évoquant ces lotissements fermés qui envisagent le passant ordinaire comme un ennemi.

En conclusion, je demande donc qu’un budget spécifique soit dédié aux circulations douces, transversales et longitudinales, des riverains de la ligne, pour compenser par des aménagements capillaires locaux, ressortant à la fois du transport et de l’environnement, et éventuellement couplés à des aménagements hydrauliques, la gène définitive que cette dernière introduira dans leur vie quotidienne.