Vous êtes ici

La ville se transforme...

Rubrique: 

Alors que se passe-t-il à Perpignan où l'on célébrait samedi dernier les bienfaits de la bicyclette pendant une journée "Tous à Vélo sur l'Agglo", et au cours de laquelle des cyclistes encadrés par des motards devant et derrière, traversaient des ronds-points coupés à la circulation, en formation bien groupée, et en toute sécurité ? Ce jour-là -un jour par an seulement !- les habitants de Perpignan et des villages alentours sont encouragés à utiliser la bicyclette en toute sécurité. Et les 364 autres jours, on fait quoi ? On prend sa voiture pour conduire son grand garçon au collège ? On va, comme tous les collègues, au boulot en auto ? Et les courses ? Dans le coffre ! Vélo En Tet considère que malgré de telles opérations de communication on continue, comme aux plus belles années de l'urbanisme de Pompidou, d'aménager une ville pour les voitures exclusivement. Il ne suffit pas de dire en effet qu'on encourage nos concitoyens à utiliser le vélo, véhicule non-polluant, non-encombrant, non-dangereux, rapide et excellent pour la santé. Il faut aussi aménager la ville pour y dissuader l'usage de l'automobile, et favoriser la circulation des transports en commun, des piétons et des vélos. Or, quels sont les aménagements les plus récents en ville ? Prenons quelques exemple :

Le Boulevard Kennedy

On se souvient du Boulevard Kennedy, célèbre pour sa longue bande cyclable coincée entre la voie des voitures et le stationnement en épi, et en permanence encombrée de voitures garées en double file. Tout le monde l'a vu, cet été, se transformer en une artère à 2x2 voies pour voitures, et la bande cyclable disparaître. On peut donc maintenant y rouler beaucoup plus vite en auto, et les vélos se débrouilleront pour survivre sur cette autoroute... ou resteront au placard ! Perpignan est certainement la seule ville où des aménagements cyclables disparaissent !

Rue F. Mistral (en haut du boulevard Jean Bourrat)

Là encore, une bande cyclable disparaît. Décidément, quelle hécatombe ! Sur l'avenue Rosette Blanc, entre la place du monument au mort et l'entrée de la rue Frédéric Mistral quelques dizaines de mètres de bande cyclable ont disparu pendant le chantier de la rue Mistral pour ne jamais être ré-aménagés. Boaff... de toute façon cette bande cyclable n'était pas respectée par les automobiles garées en double file. On a dû considérer que ce ne serait pas une grosse perte. Le cycliste qui fera un jour les frais d'une queue de poisson un peu trop serrée non plus...

L'Avenue Julien Panchot

Récemment réaménagée entre le café Figuères et la croix St-Martin sur plusieurs centaines de mètres de long, les cyclistes sont invités à rouler sur le trottoir des piétons pendant quelques dizaines de mètres devant le lycée Bonsecours, et devant l'église. Sur le reste de l'avenue, débrouillez-vous ! Avant le chantier, nous avions dénoncé comme d'habitude cet "espace partagé entre piétons et vélos" qui ne satisfait ni les uns, ni les autres, et qui oblige comme d'habitude ces usagers à partager le peu d'espace restant qu'on n'a pas consacré à la voiture. Nous avions même encouragé la ville à abandonner l'aménagement cyclable, pour aménager plutôt une zone 30, ce qui paraît naturel dans une avenue en pleine ville, bordée de commerces, d'établissements scolaires, d'immeubles d'habitation... Chacun peut aller tester aujourd'hui cette avenue refaite à l'identique, avec un "trottoir cyclable inutilisable" et une voie où finalement piétons et vélos se sentent exclus de la politique des déplacements.

Casa Musical

Ce lieu de culture, d'art, de musique, de spectacle, accueille un public nombreux, souvent jeune, toute la semaine, en soirée comme en journée. Vélo En Tet a, dès le début du projet de rénovation, attiré l'attention sur l'importance de prévoir un stationnement pour les vélos sûr, pratique, couvert, gratuit. Tout le monde, de la mairie aux architectes, a accepté cette idée comme évidente et approuvé notre demande. Sollicités par les maîtres d'ouvrage, des membres de notre association se sont même déplacés de nombreuses fois et ont toujours reçu des garanties sur la qualité de l'aménagement qui serait réalisé... Hélas, le chantier est maintenant livré. Aucun espace de stationnement des vélos n'a été construit, et il est peu probable qu'on trouve maintenant la place, l'argent, et le temps nécessaire pour l'aménager.

Route de Villeneuve

Cette petite route passant par le Mas Palegry (chemin communal) connaissait, il y a moins de 15 ans, un trafic très faible, qui en faisait un itinéraire agréable pour les vélos. Depuis qu'elle a été raccordée à la Rocade Sud, équipée de panneaux indicateurs pour encourager son utilisation, et enfin récemment élargie et aménagée, son trafic n'a cessé de croître pour arriver à plusieurs milliers de voitures par jour (6000 ? 7000 ?). Comme la loi l'exige normalement pour chaque chantier, on a aménagé ici des segments de voie cyclable pour protéger les cyclistes là où c'est malheureusement devenu nécessaire. Mais lorsque ces segments se terminent, les usagers du vélo doivent s'insérer dans une circulation de plus en plus fournie, rapide et dangereuse. Existe-t-il des chiffres sur l'évolution de la fréquentation de cet axe par les vélos sur ces 20 dernières années ? Nous réclamons que l'impact sur les comportements et les modes de déplacement utilisés, soit mesuré chaque fois qu'on réalise de tels aménagements. Y-a-t-il encore aujourd'hui quelqu'un qui va à vélo faire du cheval au Mas Palégry, ou se promener autour du lac de Villeneuve ? Y-a-t-il seulement un collégien de Villeneuve de la Raho qui va au collège Saint-Exupéry à bicyclette ?

L'av. Mermoz

Le début de l'av. Mermoz a été refait à neuf pendant l'été 2006. De façon illégale, la mairie n'avait prévu aucun aménagement cyclable associé à ce chantier. Après qu'on nous ait de prendre en compte la loi sur l'Air, qui impose de tels aménagemets cyclables, nous avions dénoncé cette situation en peignant nous-mêmes une bande cyclable sur quelques dizaines de mètres ce qui nous a valu une après-midi de franche rigolade, et de fortes remontrances. Cet été 2007 a vu le reste de l'avenue Mermoz se faire à son tour éventrer, puis recoudre, et enfin recouvrir de bitume neuf et lisse. Ce ne sont ni les rollers, ni les vélos, qui profiteront de cette belle surface entièrement consacrée aux voitures. Faut-il encore peindre nous-mêmes une bande cyclable pour que la loi sur l'Air soit respectée dans notre ville ?

des Rocades et des Parkings

Ne parlons pas des rocades. Ni de celles qu'on a fait (2x2 voies de Canet, voie sur berge), ni de celles qu'on va faire (Boulevard Nord-Est, Rocade Ouest), et qui vont engloutir des Millions d'Euros pour faire rouler plus de voitures, et plus vite. Ne parlons pas non plus des parkings souterrains qui attirent toujours plus de voitures en ville, alors que Perpignan a déjà -et de loin !- la plus forte offre de stationnement par habitant de toutes les villes de l'Arc du golfe du Lion (Nîmes, Montpellier, Narbonne,...). Ni de ceux qu'on a construit récemment (Parking république, Dalle Arago), ni de ceux qui sont en projet (Esplanade). Pour ne pas être taxé d'éternels râleurs, finissons plutôt ce pitoyable inventaire sur une note heureuse. Un projet vieux de 10 ans ressort enfin des tiroirs. Proposé à l'origine pour permettre aux élèves de Catalunya et de Porte d'Espagne de rejoindre leur collège "Mme de Sévigné" à vélo, ce projet envisageait une liaison passant sur le vieil aqueduc des Arcades. Un segment de piste cyclable va, cette année, être aménagé sur cet aqueduc et sur une partie du canal, à l'écart des grandes voies bruyantes, dans un cadre arboré et charmant. Ce petit kilomètre de nouvelle voie cyclable devrait bientôt laisser imaginer aux Perpignanais qui l'emprunteront à quoi pourrait ressembler un déplacement dans une ville cyclable : un moment de plaisir, renouvelé chaque matin et chaque soir, plaisir dont jouissent des millions d'habitants dans d'autres pays, sur des dizaines de milliers de kilomètres de voies réservées aux vélos. Pour un de nos euros publics investi dans la création d'un réseau cyclable, combien de milliers sont aujourd'hui consacrés à améliorer les conditions de la circulation automobile ? On ne pourra pourtant pas à l'infini faire rouler et stationner toujours plus de voitures. N'est-il pas temps de changer de politique des transports et de proposer à nos concitoyens autant, voire plus de mobilité, avec moins de pollution et plus de plaisir ? N'est-il pas temps de proposer UNE journée par an "Tous en bagnole sur l'agglo" et de circuler les 364 autres jours à vélo, en tramway ou à pied ?

 

P.S.: 

[Jan. 2010] Cet article pourrait se prolonger... dernier exemple en date, le chantier du théâtre de l'Archipel qui ne se terminera pas mieux pour les bicyclettes que ceux-ci§i, hélas.